Dans le même registre de dérision joycienne à l'égard de la religion, on trouve ces deux quatrains :
* If anyone thinks that I amn’t divine / He’ll get no free drinks when I’m making the wine
But have to drink water and wish it were plain / That I make when the wine becomes water again.
** Si quelqu’un s’imagin’ que je n’suis pas divin, / I’ n’ boira pas à l’œil quand je ferai du vin,
Mais devra boir’ de l’eau et la voudrait bien claire / Alors qu’avec du vin j’irai de l’eau refaire.
*** S’il y en a un qui pense que je suis pas divin / Y boira pas à l’œil quand je ferai du vin,
Mais de l’eau ce sera, et là j’insiste bien : / C’est c’que j’fais quand le vin de l’eau claire redevient.
**** Si quelqu’un pense que je suis pas divin, / Y boira pas à l’œil quand j’ferai du vin,
Mais devra boire de l’eau et l’aimerait mousse : / Ce que je fais quand le vin en eau éclabousse.
Pour les besoins de la rime, les seconds traducteurs s’écartent notablement de la formulation joycienne. Plain water, c’est de l’eau plate, mais pourquoi, privé de vin, le mécréant voudrait-il boire de l’eau bien claire ou plate ? Joyce a plutôt voulu jouer sur l’expression a stout of plain, qui désigne une pinte de bière (une mousse), et sur to make water (faire de l’eau, c’est-à-dire uriner). Auquel cas, la punition du mécréant devient plus logique : alors qu’il voudrait une mousse, il ne peut espérer récolter autre chose que de l’urine !…
* Goodbye, now, goodbye. Write down all I said / And tell Tom, Dick and Harry I rose from the dead. What’s bred in the bone cannot fail me to fly / And Olivet’s breezy... Goodbye, now, goodbye.
** Adieu, adieu. Tous mes discours, qu’on les écrive ! / Dites à Pierre et Paul que j’ai vaincu la mort.
Le dieu en moi ne peut faillir à mon essor, / Adieu… Ça souffle fort sur le mont des Olives.
*** Adieu, adieu ! Notez le moment et le lieu / Et dites à Pierre, Paul et Jacques ma résurrection.
Mes gènes, n’en doutez pas, vont aider l’ascension. / Ça souffle fort aux Oliviers. Adieu, adieu !
**** Adieu, maintenant, adieu ! Notez toutes mes paroles, / Et, que je me suis relevé de la mort, dites-le à Thomas et Matthieu. / Ce qui a crû dans mes os ne peut faire échouer mon envol / Et ça souffle fort aux Oliviers. Adieu, maintenant, adieu !
Ici, les deux traductions ont omis le now séparant les deux goodbye. Ensuite, elles ont rendu les trois prénoms par ceux de deux ou trois apôtres sans se soucier de respecter une correspondance, alors que celui de Tom avait un équivalent strict. Surtout, toujours obnubilés par la rime, les deux traductions s’écartent beaucoup du mot à mot, tordant mots et phrases, allant même au-delà du sens obvie et interprétant des mots (tel fly en Ascension) ou des expressions (tels bred in the bone changé en le dieu en moi ou Write down all I said en Notez le moment et le lieu).