LE JOUR D'ULYSSE 2008 À SAINT-GÉRAND-LE-PUY, PAR GÉRARD COLONNA D'ISTRIA
Conformément à ce qui est devenu aujourd’hui une tradition bien établie, le Jour d’Ulysse 2008 a tenu toutes ses promesses. Il a réuni, cette année, des activités très diverses, qui ont occupé les trois journées des vendredi 27, samedi 28 et dimanche 29 Juin 2008.
Une première manifestation était consacrée au conte que Joyce avait écrit pour son petit fils Stephen, Le Chat et le Diable, ouvrage illustré par Roger Blachon et précédé d’une introduction de Stephen J. Joyce, que les éditions Gallimard Jeunesse ont eu la bonne idée de rééditer. Un groupe d’élèves du Collège Saint-Exupéry, de Varennes-sur-Allier a préparé et présenté, sous la conduite de leur professeur, M. Pégand, un travail remarquable, ajusté au conte de Joyce, qui tentait de saisir ses thèmes fondamentaux en les mettant rapport avec les catégories et la morphologie des contes qui utilisent des thèmes analogues. Parallèlement, des élèves des classes primaires ont présenté et animé une lecture d’un autre conte, Le Pont et le Diable. Tous ces élèves étaient invités ensuite à répondre à un questionnaire sur Joyce et son œuvre, à partir d’une visite effectuée à la Bibliothèque Anna-Livia-Plurabelle et au Musée Joyce de Saint-Gérand, assortie cette année d’une marche, Sur les pas de Joyce, dans le village.
Un hommage tout particulier devait être simultanément rendu à l’illustrateur de l’œuvre, Roger Blachon, mais le décès de ce dernier n’a malheureusement pas permis de mener à bien cette cérémonie. Cependant, grâce à la gentillesse et à la compréhension de Madame Blachon, les visiteurs ont pu contempler une centaine de dessins que René Blachon avait au pied levé réalisés pour le journal L’Équipe, et qu’un collectionneur privé, M. Terret, a généreusement prêté pour l’Exposition.
La seconde manifestation a donné à Saint-Gérand une place que le village ne risquait pas de revendiquer à lui seul, et qui devrait faire date, puisqu’on peut considérer que c’est là une consécration universitaire. En effet, à l’instigation de l’Université de Lyon II, sous la direction de Pascal Bataillard, professeur et co-traducteur de la nouvelle version d’Ulysse un colloque, dont le thème général était Joyce et l’Italie, a réuni d’éminents universitaires et chercheurs, dont certains venus des États-Unis et d’Italie. La très grande tenue des débats et la satisfaction dont ont témoigné les participants pour l’accueil qui leur était fait à Saint-Gérand apportent la preuve qu’un modeste village peut prétendre à l’organisation de travaux de recherche de haut vol. La publication des actes du colloque, prévue dans des délais assez courts, devrait confirmer cette vocation à une reconnaissance universitaire.
On ne saurait achever ce survol un peu hâtif des journées consacrées à Joyce sans souligner, une fois encore, le rôle de l’animation musicale dans l’organisation de ces journées, qu’il s’agisse de la marche Sur les pas de Joyce ou des repas pris en commun. Depuis plusieurs années, elles sont dirigées d’une main sûre et conviviale par Liam Healy. Mais, cette année, il faut accorder une mention particulière à la chanteuse du groupe, Alice Challet, qui a ravi son public par la virtuosité et la qualité de sa voix, ainsi que par sa facilité à improviser a capella des chants irlandais traditionnels. Une voix qui, assurément, n’aurait pas déplu à Joyce, quand on sait l’importance qu’il accorde dans son œuvre au chant, qu’il affirmait quelquefois préférer à la musique même… Écoutant dans le silence d’ordinaire si difficile à obtenir dans le brouhaha des repas, et que trois notes de la chanteuse suffisaient comme par enchantement à établir chez les convives, on se prenait à songer à ce passage de l’épisode le plus musical d’Uysse, Les Sirènes :
« Loin de moi les chagrins semblèrent s’éloigner. Trouant l’air silencieux, une voix chantait pour eux, feutrée, ni la pluie ni le murmure des feuilles, pas non plus comme le chant des cordes et des vents ou chezplusquoitympanons, elle touchait leurs oreilles immobiles avec des mots, cœurs immobiles tendus vers, chacun la sienne, la mémoire de ses vies antérieures. Du bien, ça fait du bien d’entendre ça… »