Au départ, quand nous avons réfléchi sur ce que pourrait être le thème de cette année, il nous était venu assez spontanément à l’esprit qu’il serait bon de nous demander : comment lire Ulysse ? et de nous faire aider dans notre quête de sens, par ces meilleurs lecteurs que sont les spécialistes ou les critiques.
Un paradoxe
Mais poser cette question, c’est déjà voir se lever une foule d’autres questions. D’abord, Il semble qu’il y a quelque chose de paradoxal, dans la réception de l’œuvre, que Jacques Aubert a bien pointé dans son introduction générale à Joyce (Pléiade, I) : d’un côté, voilà une œuvre qui s’est imposée, qui a affirmé sa présence avec force, une œuvre « canonique » (comme dit Jacques Aubert), qui a changé les règles, comme le fait toujours une œuvre géniale, et qui s’impose désormais au lecteur ; mais, d’un autre côté, il faut aussi s’interroger sur (je cite Jacques Aubert), « une méconnaissance aussi actuelle que générale », et il ajoute avec humour : « Car il est peu d’œuvres qui aient aussi bien réussi à décourager son lecteur. » Et cela le conduit à s’interroger sur ce paradoxe : il y a une « présence fabuleuse » de l’œuvre et en même temps, (je cite encore), « une inaltérable faculté de s’éluder ». À quoi cela tient-il ? C’est une première question que nous pourrions lui proposer.
Cependant, dire ce qui vient d’être dit ne conduit pas à souscrire à un argument paresseux mais qui a la vie dure. Une légende tenace voudrait que ce livre soit illisible, qu’il tombe des mains du lecteur le mieux intentionné. Dès lors, en effet, à quoi bon s’obstiner ?
Un argument paresseux
L’argument est commode, mais il a ses limites. Si un grand livre est un livre qui révolutionne la littérature, qui propose une nouvelle écriture, et une nouvelle manière de voir le monde — et c’est le cas d’Ulysse —, il est inévitable qu’en un premier temps il nous déconcerte et qu’il bouleverse nos critères et nos règles habituelles de lecture, bref qu’il fasse de nous un autre lecteur. À nouvelle écriture, autre lecture. Voilà une hypothèse de lecteur que nous pouvons accepter, que nous devons accepter, et grâce à laquelle nous pourrions gagner un autre bonheur de lire, devenir un lecteur ouvert à l’œuvre.
Mais cela suppose aussi sans doute qu’on soit conduit à repenser les termes même d’écriture et de lecture. L’œuvre de Joyce pose le problème de la lecture. Mais qu’est-ce que cela peut vouloir dire au juste ?
Les conseils de Borges
Jorge Luis Borges n’a pas tort de conseiller au lecteur, et à ses étudiants : « Si un livre vous ennuie, abandonnez-le ; ne le lisez pas (…) c’est qu’il n’a pas été écrit pour vous. » (Cours de littérature anglaise, Le Seuil, 2006).) Et il va même jusqu’à considérer que ce pourrait être, pour ce lecteur, le Paradis perdu ou Don Quichotte, œuvres qui, pour lui, n’ont rien d’ennuyeux…
Il n’y a là nulle invitation à une démission. Rien n’empêche, bien au contraire, qu’un jour vous deveniez ce lecteur ouvert à l’œuvre et qui progresse dans sa lecture. Borges souligne simplement ici que « la lecture doit être une des forme du bonheur ». Mais le bonheur de la lecture ne saurait être obligatoire. L’argument d’autorité, la réputation, l’ancienneté ou la modernité ne peuvent constituer des critères suffisants. Le bonheur est comme le plaisir, « ce n’est pas une obligation, c’est une quête ».
D’où ce conseil : « Lire beaucoup, ne pas se laisser effrayer par la réputation des auteurs, rechercher un bonheur personnel, un plaisir personnel. Il n’y a pas d’autre façon de lire. » Cours de littérature anglaise, Le Seuil, 2006 C’est une évidence, mais qui n’est pas si simple à saisir, ni surtout à pratiquer, tant les préjugés sont forts.
Il se trouve que ce même Borges, qui n’a rien d’un béotien, est celui qui a le premier parlé d’Ulysse en espagnol, « le premier aventurier à voir abordé le livre de Joyce », selon ses propres termes. C’était en 1925. Et la manière même dont il décrit sa démarche et son entreprise de lecteur sont ici exemplaires : elle montre à chacun d’entre nous le chemin à suivre pour surmonter l’argument paresseux et la facilité des renoncements.
Avant tout, relatant l’expérience de sa lecture, Borges note l’admiration et l’étonnement qui le saisissent et lui donnent d’emblée la certitude d’être en face d’une œuvre comparable à une « terre nouvelle », et qui le poussent à se donner « licence » d’en parler.
Mais vouloir en parler, c’est se heurter à une difficulté immédiate qui tient à la nouveauté de l’œuvre. Situation comparable à celle des « voyageurs antiques » découvrant un nouveau monde : intensité de la certitude d’aborder un autre continent, mais intensité d’une admiration qui dans un premier temps navigue dans le vague. Si l’œuvre est nouvelle, elle ne se laisse pas appréhender simplement : le lecteur est comme le « voyageur antique » abordant la terre nouvelle, il n’a pour critères que ses critères classiques de lecture, et c’est avec eux qu’il peut tenter de mesurer l’écart. Mesurons bien cette capacité de mesure ! C’est la nécessité d’avoir déjà élaboré des règles, des schèmes, une pratique de la lecture, qui fait le lecteur, qui lui permet d’explorer une œuvre, et surtout de mesurer l’écart d’une grande œuvre avec ce qui avait été écrit jusque-là. Mais cette mesure, précisément, sera toujours au départ inadéquate en quelque façon. Il est inévitable, comme l’a vu Borges, que l’intensité de l’admiration soit une « vague intensité », et l’étonnement un « étonnement errant ».
Il n’ y a qu’une issue : partir à l’aventure dans le monde de Joyce, ce « pays enchevêtré et sauvage ». Et bien que, à ses yeux, Larbaud ait déjà parcouru ce pays et qu’il en ait « tracé la contexture avec une impeccable précision cartographique », Borges ici s’affirme comme le « premier aventurier hispanique » à aborder Ulysse, et reprend à nouveaux frais l’entreprise de sa lecture et de sa description : « Je récidiverai sa description en dépit de mon manque de préparation et de la brièveté de mon séjour sur ses confins. »
Sur un mode en apparence badin, parlant de son exploration, Borgès se livre à un aveu peu courant : il confesse qu’il n’a pratiqué Ulysse que « par bribes » : « J’avoue ne pas avoir débroussaillé les sept cents pages qui le composent, j’avoue l’avoir seulement pratiqué par bribes. » Les vrais lecteurs se reconnaîtront là : le beau mot de pratiquer dit tout, l’exercice remis sans cesse sur le chantier et le caractère indéfiniment ouvert de cet autre work in progress.
Mieux encore : cette pratique par bribes pourrait passer pour une insuffisance radicale. De fait, c’est le contraire qui est vrai. Comparons l’œuvre à une cité (la comparaison a été souvent reprise depuis par les critiques) : la découverte d’Ulysse s’apparente à la connaissance que nous prenons de Dublin : nous pouvons affirmer connaître la ville sans connaître toutes ses rues ou tous ses quartiers. Dès lors, l’argument paresseux fait long feu, comme du reste la prétention à un savoir exhaustif. Une « certitude aventurière et légitime » les remplace : « Je sais cependant ce qu’il [Ulysse] est, avec cette certitude aventurière et légitime qui nous habite lorsque nous affirmons notre connaissance de la cité, sans nous octroyer pour autant l’intimité de toutes ses rues ou de tous ses quartiers. » (Cours de littérature anglaise, Le Seuil, 2006)
Déambuler dans la ville Joyce
On peut être tenté de chercher les « racines » d’Ulysse en se tournant du côté des œuvres qui l’ont précédé et en déambulant dans l’œuvre comme on déambule dans une ville. Et la comparaison s’avère fructueuse : les romans majeurs de Joyce, nombre de critiques l’ont souligné, s’apparentent à un labyrinthe dont il faut apprendre patiemment les secrets, qu’il faut parcourir dans tous les sens. Le nom même de Stephen Dedalus est révélateur : il renvoie à Dédale, héros mythologique malheureux, l’inventeur génial qui est trahi par les plumes qu’il s'est collées sur le dos pour échapper au labyrinthe, et qui vont entraîner la chute de son fils Icare. L’artiste jeune, Stephen, apparaît lui aussi comme « un homme de plume ». Quelle leçon tirer de cette remarque ? Sommes-nous invités à déambuler dans l’œuvre, à la manière dont on découvre une ville ? Et, s’il est vrai qu’on ne la découvre qu’en l’habitant, en apprenant progressivement à la connaître à force de la parcourir, faut-il lire et surtout relire l’œuvre de Joyce, en procédant à de fréquents allers et retours, d’une œuvre à l’autre, et dans la même œuvre ? Lire, relire — est-ce que nous tenons là une bonne règle d’approche ?
L'art et la vie
Un précieux auxiliaire pourrait nous être offert avec le fait que Joyce accompagne son œuvre de considérations sur l’art, et même d’une théorie esthétique, et cela dès les premières œuvres. Dès Stephen le héros, où l'on trouve une première expression de sa conception de l’art, avec sa célèbre théorie des épiphanies qui culmine dans une esthétique aristotélicienne fondée sur saint Thomas d’Aquin. Mais il faut noter que cette conception évolue à travers l’œuvre, au point que l’on passe d’une théorie esthétique à une pratique qui valorise la vie. Au fur et à mesure qu’on avance dans l’œuvre, l’ambition théorique semble s’effacer, décroître, et, dans Ulysse même, les efforts de Stephen pour théoriser paraissent souvent bien abstraits. Un déplacement s’est opéré. Tout se passe comme si une révolution copernicienne changeait la relation de l’art et de la vie. Ce n’est plus une théorie de l’art et l’ambition de viser l’universel qui va à la rencontre de la vie, c’est la vie qui est première, avec ses singularités. Dès lors, la tâche de l’artiste consistera à prêter attention à tous ces détails qui font la texture de la vie. L’ambition de constituer une esthétique s’efface, au profit d’une attention prêtée au texte, à un travail d’écriture, et même à une passion de l’écriture. La fonction de l’écriture dès lors change complètement de sens. L’attention prêtée aux mots et au langage prévaut sur tout le reste. D’où une autre question : qu’est-ce qu’Ulysse apporte sur ce rapport entre l’art et la vie ? Quel est le statut offert au langage ?
On ne peut pas non plus, évidemment, laisser de côté la place qu’occupent l’épopée et le héros homérique Ulysse.
L’épopée, d’abord. Joyce a découpé l’épopée en dix-huit épisodes qui sont autant d’histoires ou de petits scénarios, des schémas pour un livre qui ne raconte pas vraiment une histoire. Le plan divise l’ouvrage en trois parties :
— la Télémachie, qui présente Stephen Dedalus déambulant de huit heures à midi,
— l’Odyssée proprement dite, montrant Bloom dans les rues de Dublin, assistant à un enterrement, déjeunant, traînant sur la plage, et finissant la journée au bordel
– le Nostos, enfin.
Ulysse, ensuite. Joyce a souvent souligné l’affinité qu’il éprouvait pour Ulysse, et la manière dont Joyce a utilisé les épisodes de l’Odyssée a appelé des lectures et des interprétations diverses. Ezra Pound soutenait que le dessein d’utiliser l’Odyssée n’est qu’une affaire de structure pour donner une architecture solide à une œuvre relativement privée d’intrigue. Eliot au contraire — et l'on sait que Joyce fut satisfait de cette analyse — prétendait qu’il fallait y voir (je cite) « l’institution d’un continuel parallélisme entre l’époque contemporaine et l’Antiquité », et que cela avait « l’importance d’une découverte scientifique ». On aurait ainsi une lecture en « biplan » qui autorise beaucoup d’interprétations. Cette expression convenait à Joyce, et il ajoutait, si l'on en croit Ellmann, que l’expression de « monologue intérieur » qu’avait utilisée Larbaud en l’appliquant essentiellement à Bloom, s’était usée « au bout de six mois »…
Là encore, comment penser ce rapport à Homère ? Sans oublier l’importance de la parodie dans Ulysse. Herman Broch est, de ce point de vue, l'un de ceux qui a le mieux repéré les enjeux d’Ulysse. Il définissait Ulysse comme la création de « la vie quotidienne universelle de l’époque ». Ne pourrait-on pas dire, alors, qu’on est conduit à cette question radicale : est-il possible de reproduire l’univers ? La littérature en soi est-elle possible ? Il est indéniable, du propre aveu de Joyce, qu’il avait en vue la création d’une totalité. Une totalité de ce qui peut être dit, une totalité de ce qui peut être représenté, une totalité de ce qui est formulable, une totalité de ce qui peut être entendu. Que faut-il penser de cette ambition ?
L'épopée du corps humain
Autre question, liée à la précédente. Dès la publication de certains épisodes dans la Little Review (en 1918 et 1921), les meilleurs lecteurs perçoivent la nouveauté et sentent qu’une refonte littéraire et linguistique vient de s’opérer, qui va bouleverser et bousculer les cadres et les genres littéraires. Par exemple, la remise en cause du partage entre poésie et prose : Joyce efface la distinction. Ou encore la variation constante du style, selon chaque épisode. Mais qu’apporte cette division structurale en trois parties conformes à la structure de l’Odyssée d’Homère (1- la Télémachie ; 2- l’Odyssée proprement dite ; 3- le Nostos, le retour d’Ulysse à Ithaque) ?
Tout cela donne l’impression d’une organisation cachée. Joyce va aller dans ce sens : alors que les titres mêmes des épisodes ne sont pas donnés dans le livre, il révèle qu’il les a utilisés pendant qu’il écrivait Ulysse, et il les donne alors aux critiques, avec une ligne de correspondances pour chaque épisode ou pour chaque personnage. Joyce distingue des couleurs, des heures, des arts (ou des techniques), des symboles ; chaque épisode possède ainsi son heure, sa couleur, ses personnages (en relation avec les héros de l’Odyssée), son art, sa science, son sens, son organe et son symbole.
Mais à quoi répond au juste cette classification ? Et dans quel but ? Larbaud avait été impressionné par cette organisation, et il expliquait que le « lecteur lettré » découvrait vite que ces 18 épisodes n’étaient pas des parties isolées, et que, s’il est vrai que chaque épisode a son écriture propre, son langage et sa forme bien ajustés, ces épisodes forment un tout organisé ; si bien que, ajoutait Larbaud, toute une série de correspondances, de concordances, d’analogies apparaissent entre ces 18 épisodes que littéralement l'on n’avait pas vues. Il y a là un formidable travail d’ « arrangeur », et l’importance de ces correspondances ne saurait être minimisée.
Ainsi, si l'on prend les organes du corps, on découvre qu’il n’y en a pas dans les trois premiers chapitres d’Ulysse, parce que Stephen n’a pas de corps – Le premier organe rencontré, c’est le rein (le rognon que Bloom s’offre au petit déjeuner), puis la peau, le cœur, les poumons, l’œsophage (avec les mangeurs du restaurant dans l’épisode des Lestrygons), le cerveau (les envolées de Stephen sur Shakespeare), le sang ( la ville des Rochers errants figure une circulation sanguine), l’oreille (avec les Sirènes), les muscles et les os (avec le citoyen athlétique de l’épisode des Cyclopes), etc. Joyce tenait à ce réseau de correspondances, affirmant à Budgen que son livre est « l’épopée du corps humain », et il précise même (je cite) :« Dans mon livre, le corps vit, se meut dans l’espace, il est la demeure d’une personne humaine complète. Les mots que j’écris sont adaptés pour exprimer d’abord l’une de ses fonctions, puis une autre. Dans les Lestrygons l’estomac domine, et le rythme même de l’épisode est celui des mouvements péristaltiques [contractions de l’intestin]. » (Budgen, James Joyce et la création d’Ulysse, p. 21)
Un parcours réglé
Au fait, quel est le véritable sujet d’Ulysse ? On pourrait certainement défendre la thèse qu’il ne faut pas chercher des personnages mais plutôt des lieux : Dublin, l’Irlande (c’est un peu ce que tentait, si j’ai bonne mémoire, Jacques Aubert, dans sa présentation de la Pléiade, I), et cette thèse a certainement pour elle des arguments de poids. On pourrait répondre aussi, plus prosaïquement : face à cette paralysie qu’il mettait en évidence chez les Dublinois, il met « en marche », dans un parcours réglé, trois protagonistes qui sont manifestement singularisés : Stephen Dedalus, Léopold Bloom et Molly – Que faut-il penser de cette triade ? Et plus particulièrement : comment penser la relation du père et du fils, et cette revendication d’une paternité mystique ?
Lire et relire, écouter et regarder
Je terminerai par ceci : Carla Marengo Valio, quand nous lui avons soumis le titre que nous pension donner à cette table ronde, a fait remarquer qu’on ne devrait pas négliger le fait qu’Ulysse non seulement se lit (et se relit) mais qu’il peut être l’objet d’un regard (ainsi, par exemple, il n’est pas inutile de se procurer une boussole ou des cartes pour suivre la déambulation de Stephen ou de Bloom dans Dublin). Et il faut certainement s’interroger sur la dialectique des regards et le rapport à l’Autre, sur les hallucinations ou les spectres, bref ! sur la puissance des images proposées. Lire et relire, donc, mais aussi regarder. Et enfin entendre. Ici, sans parler du rôle éminent que Joyce confère à la musique, nous ne sommes pas mal armés pour comprendre l’importance de la voix, depuis les conférences de Pascal Bataillard et d’Annie Tardits, à Saint -Gérand-le-Puy, en 2005. Pascal Bataillard nous a fait comprendre la profondeur de la remarque de Joyce, que son frère Stannie avait notée dans son journal : « Ce n’est pas la poésie mais le music-hall qui est la vraie critique de la vie. » (cité par Hélène Cixous, L’exil de James Joyce, p 61). Et Annie Tardits nous a incités à distinguer soigneusement le savoir de la voix que Joyce possède et son savoir-faire avec la voix. S'il fallait un témoignage supplémentaire de la pertinence de la remarque de Carla Marengo Valio, j’irais volontiers le chercher chez un auteur qui, avant d’être un des écrivains et dramaturges du XXe siècle, avait été secrétaire de Joyce (il a même séjourné quelque temps à St Gérand). J’ai nommé Samuel Beckett, bien sûr. Dans un texte commandé par Joyce lui-même en 1929 pour défendre l’Œuvre en cours, le fameux Work in progress, Beckett écrit : « Ce n’est pas fait pour être lu – ou plutôt pas seulement fait pour être lu. C’est fait pour être regardé. Il n’écrit pas sur quelque chose. C’est ce quelque chose lui-même. »
Et il ajoutait, citant Vico, dont Joyce lui avait recommandé la lecture : « Quiconque désire exceller en tant que poète doit désapprendre la langue de son pays natal, et retourner à la misère primitive des mots. » (cité par Nathalie Léger, Les vies silencieuses de Samuel Beckett, p 53, éditions Allia.)
Ne peut-on déjà dire cela d’Ulysse ?
Enfin, je m’adresserai volontiers à moi-même ce conseil : restons prudent dans notre demande d’éclaircissement : chercher à tout prix une vérité intégrale sur le réel pourrait bien n'être, comme Stephen le dit au début d’Ulysse, qu’une « usurpation ».
Gérard Colonna d'Istria