Pléiade, et Annie Tardits, psychanalyste et spécialiste de Joyce, tous deux membres du Conseil scientifique de l’association. Non sans rappeler que « même s’il a fourni un certain nombre d’interventions critiques qui furent tantôt littéraires, tantôt plus politiques et historiques, Joyce n’a pas eu l’activité de critique qui fut celle d’Umberto Eco », Pascal Bataillard s’est appliqué à comparer les deux écrivains : « Eco est semblable à Joyce, qui savait que, parmi ses lecteurs, il se trouverait quelques universitaires pour qui il y aurait du travail pensant 300 ans et à qui il faisait confiance pour ensevelir son œuvre sous les commentaires et illustrer son nom. Semblable à Joyce aussi pour toutes ces références au Moyen-Âge, du moins à ce Moyen-Âge qu’ils choisissent de réinventer. C’est ainsi que Joyce et Eco, loin de se complaire dans un quelconque sentiment nostalgique, trouvent une inspiration essentielle pour penser notre monde à l’âge de la physique quantique. »
Et de rappeler qu’« une figure intéresse tout particulièrement Eco et Joyce (à travers son autre héros, Stephen), c’est celle de saint François », notamment en ce qu’elle incarne « la subversion et ses insatisfactions : tolérée, elle est absorbée, trop gênante, elle est éliminée ». Plus encore, a souligné Pascal Bataillard, ce sont les écrits de saint Thomas d’Aquin qui ont influencé Joyce dans son esthétique, influence qui a rejailli sur Umberto Eco et qui peut être ainsi résumée : « De la même manière que Joyce aimait dire qu’il faisait du « saint Thomas appliqué », on pourrait dire que, dans Le nom de la rose, Eco fait du Joyce appliqué. »
Pascal Bataillard a conclu son intervention ainsi : « Eco, en bon sémioticien, eut longtemps une attitude assez scientiste à l’égard de la traduction, toute armée de la science de la sémiotique pour ne rien laisser en reste. […] Mais c’est en s’intéressant à la traduction que Joyce fit lui-même, en italien, d’Anna Livia Plurabelle, un extrait de Finnegans Wake (son ultime opus), qu’Eco put consentir à une conclusion qui aurait été impossible jusqu’alors : si Joyce repousse les frontières de ce qui serait jugé licite pour un traducteur autre que l’auteur, il n’en contribue pas moins à rendre beaucoup plus poreuses les limites de l’acceptable. »
Après cette conférence, Bernard Deubelbeiss, talentueux illustrateur auteur de trois des affiches annonçant la manifestation, a dédicacé son dernier ouvrage, Allier, retour aux sources, en collaboration avec l’écrivain François Taillandier. Le Jour d’Ulysse s’est achevé sur le vin d’honneur, lui aussi traditionnel, offert par la municipalité et agrémenté, cette année, de produits sur le thème de l’Irlande.